Qui êtes-vous ? Bonjour ! Je m’appelle Pénélope Michel et suis originaire de Dunkerque. J’habite à Lille depuis presque vingt ans, et plus précisément depuis quatre ans un petit village vert coincé dans la ville le bien nommé Lezennes. Avec Nicolas Devos, nous avons la chance d’y avoir notre studio et dernièrement le confinement nous a enfin permis de finaliser le troisième album de notre groupe Cercueil qui avait été mis entre parenthèse malgré lui depuis que nous avons mis sur les rails l’entité Puce Moment, dédié aux expérimentations sonores et rencontres pluridisciplinaires.
Quel est votre parcours ? Votre pensée musicale ? J’ai une formation classique en violoncelle et solfège, que j’ai suivie pendant mon enfance à une époque lointaine où l’académie de musique était peut-être d’après mon souvenir un peu repliée sur elle-même. Mais elle m’a permis de découvrir et de jouer dans différentes formations et ensembles musicaux, et d’apprendre un peu aussi parallèlement à mon instrument la flûte traversière et le piano. Au lycée j’ai commencé à intégrer des groupes rock et expérimental et j’ai très vite poursuivi de façon autodidacte mes explorations sonores avec mon premier ordinateur, découvrant les possibilités du sampling, du traitement du son puis des synthétiseurs analogiques à une époque où les secondes mains étaient encore accessibles et épargnées par la mode du vintage. Avec mes différents groupes pour lesquels j’ai une pratique multi-instrumentiste (basse, violoncelle, synthétiseurs ou chant) nous avons par le passé autant tourné dans le réseau des clubs et des squats que celui spécifiquement français des musiques actuelles, ou des festivals en Europe, au Brésil, en Islande ou à Montréal. Avec Nicolas Devos nous avons très vite créé à deux des petites performances sonores éphémères, parfois avec de la vidéo (créées sur le principe du foundfootage ou des images qu’on tournait nous-même), qu’on déposait à l’occasion d’une soirée sans revenir dessus, et qu’on avait commencé à répertorier sous le nom de Puce Moment. Progressivement nous avons structuré notre association qui organisait auparavant le festival Mon Inouïe Symphonie (dédié à la poésie sonore et à la musique expérimentale à Dunkerque), et nous avons commencé à créer nos propres spectacles envisagés comme des temps de rencontre avec des artistes invités, dont le premier « La lenteur » créé avec le performeur Gaétan Rusquet a été accueilli en 2014 pendant le Cabaret de Curiosités du Phénix à Valenciennes. Nous concevons dans nos pièces la scénographie, la mise en scène et bien sûr la composition musicale, interprétée en live ou enregistrée et diffusée en multidiffusion. Notre pratique musicale est ancrée dans notre instrumentarium, mais nous envisageons simultanément la composition à l’ordinateur comme une extension de nous-même. Nous travaillons en ce moment sur notre troisième pièce intitulée « Sans soleil » pour laquelle nous avons pu rencontrer in extremis juste avant le confinement des musiciens japonais de Gagaku à Tenri, et dont la création va se poursuivre en France cette année avec la collaboration de la chorégraphe et danseuse Vania Vaneau. Nous avons aussi commencé depuis une dizaine d’année de nombreuses collaborations notamment avec le chorégraphe Christian Rizzo, puis la chorégraphe Mylène Benoît, au théâtre avec Anne Conti, Florence Evrard, travaillé le son à l’image sous la forme de B.O. ou de cinés-concerts… Ma pensée et pratique musicale sont au croisement de toutes ces rencontres et expériences qui restent perméables et persistent dans le temps. Ces périodes traversées ne sont pas révolues, je me sens toujours en mouvement dans une continuité et dans une démarche de recherche et d’expérimentation. Le parti-pris de la composition est pensé en fonction des conditions d’écoute et de diffusion du son qui existeront au final, et de la relation que doit entretenir la musique avec la lumière, le mouvement, les corps, la dramaturgie de la pièce.
L'ENTRETIEN
Comment connaissez-vous Art Zoyd Studios ? Qu’est-ce qui vous amène ici ?
Je connaissais avant tout le groupe, Art Zoyd. J’ai vu passer les créations de Gérard Hourbette dans la région mais je n’ai malheureusement jamais pu saisir l’occasion d’aller les voir. Ça fait aussi plusieurs années que j’observe de loin l’activité d’ Art Zoyd Studios avec beaucoup de curiosité, mais c’est seulement cette année – parce qu’il s’agissait du bon moment au regard des choses que je souhaiterai développer – que j’ai saisi l’opportunité de pouvoir peut-être venir y travailler en résidence en déposant ma candidature. J’ai été ravie d’apprendre avoir été retenue !
Comment imaginez-vous votre résidence chez Art Zoyd Studios ? La résidence chez Art Zoyd Studios est un temps précieux pendant lequel je souhaiterai remettre le violoncelle au centre de la composition et de l’interprétation musicale pour créer une performance live. La pratique que j’ai de cet instrument est augmentée : en amplifiant et en modifiant la source sonore avec des effets, mon approche est d’amener l’instrument à la frontière de son langage et l’écouter dans ses retranchements. Les effets me permettent de disséquer les attributs sonores de l’instruments et de les mettre en avant en jouant par exemple de ses imperfections. Le violoncelle devient une sorte de narrateur, et sa voix couplée aux effets conditionnent l’atmosphère pour glisser l’écoute vers des propositions musicales plus abstraites. Dans cette perspective, l’instrument devient l’écho de lui-même où sont convoqués les fantômes de son histoire passée. Ce temps de travail et de rencontre avec l’équipe de Art Zoyd Studio que j’espère riche en découvertes me permettra d’optimiser mon dispositif scénique, travailler la spatialisation sonore, mais aussi de développer des outils numériques appliqués à mon instrument pour expérimenter. Je souhaiterai prendre le temps de découvrir aussi les outils qui ont déjà été mis en place par le passé et voir comment ils peuvent intervenir dans mon processus de composition pour le modifier.
Quels sont les compositeurs/musiciens qui vous ont le plus influencé ? C’est toujours très difficile de devoir en citer une plus qu’une autre… Je ne crois pas avoir été influencée directement par des musiciens ou compositeurs mais plutôt nourrie par une multitude de créateurs et créatrices de sons aux démarches et intentions variées, d’aujourd’hui ou du siècle dernier depuis Arvo Part, Steve Reich, Moondog, Neu ou Flaming Tunes jusqu’aux Residents, Fever Ray, ou Haco, passant par Pan Sonic, Yellow Swan, Oneohtrix point never ou Luc Ferrari… Mais s’il fallait citer des violoncellistes qui m’ont touché particulièrement pour leur sensibilité je citerai volontiers Arthur Russel et Tom Cora !